jeudi 2 mars 2017

DES QUESTIONS SUR LE TRAIN ÉLECTRIQUE EN VOICI

REM: dépassement majeur des prévisions budgétaires?
Analyse de Luc Gagnon

Selon les prévisions budgétaires, les coûts de construction du Réseau électrique métropolitain (REM) sont de 5,9$ milliards.  Ce montant ne tient pas compte des infrastructures que les gouvernements "donneront" à la CDPQ: tunnel du Mont-Royal, ligne Deux-Montagnes, centre d'entretien de l'AMT, portion du Pont Champlain... Le vrai coût dépasse donc 8$ milliards.  Il faut se demander si ces prévisions budgétaires seront respectées, car un dépassement des coûts de seulement 20% ajoute 1,5$ milliard au projet.




Facteurs universels de dépassements importants de budget (analyses de Jean E. Fortier)
1. Les échéances trop courtes ou le désir de construire très rapidement.
Ce facteur explique en grande partie les dépassements de budgets pour des événements sportifs, comme les jeux olympiques ou les Coupes du monde exigeant de nouveau équipements.




2. Les projets conçus dans le secret, dépassent souvent les prévisions budgétaires, car aucun expert indépendant ne peut contester les mauvais choix stratégiques.  Un exemple flagrant de cela est le Stade olympique de Montréal, dont la conception n'a pas fait l'objet d'une seule contre-expertise.  Les coûts réels de construction ont été 3 à 4 fois plus élevés que la prévision budgétaire.





3. Des projets dont les experts ne connaissent pas les conditions locales, notamment les contraintes climatiques.  C'est le cas de nombreux projets internationaux où le choix technologique n'est pas approprié.  Au Québec, le Stade olympique est encore l'exemple le plus évident, avec un toit conçu pour un climat doux, avec peu de neige.

Facteurs spécifiques au transport collectif, causant des dépassements de budget
4. Les projets de grande capacité, visant à desservir un aéroport.  À Toronto, dans le cadre de son "Big Move", tous les projets de tramway ont connu un grand succès en termes de coûts par passager.  Le seul fiasco est le skytrain vers l'aéroport Pearson, dont l'achalandage est beaucoup trop faible pour justifier la taille de l'investissement.















5. Les projets de grande capacité, visant à desservir des quartiers de faible densité.  Un exemple récent au Québec est le train de l'Est.  Les coûts de construction ont été deux fois plus élevés que les prévisions budgétaires et l'achalandage est 40% plus faible que la prévision.  Par passager, le projet est donc trois fois plus cher que les prévisions. 





Est-ce que ces facteurs s'appliquent au REM?  On peut les reprendre un à un:
1. Suite à des décisions politiques, les échéances du REM sont très courtes (2020), possiblement déraisonnables.  Cela a mené à des entorses majeures dans le processus d'évaluation du projet.

2. Le projet a été conçu dans le plus grand secret, sans contribution des villes ou sociétés de transport.  Les séances de "consultation" organisées par la CDPQ étaient en fait des séances d'information.

3. Les deux haut-gestionnaires, engagés par la CDPQ, ne connaissaient pas les besoins de transport collectif de la région de Montréal.

4. L'antenne vers l'aéroport exige la construction d'un tunnel d'environ 1 km.  Il est clair que l'achalandage ne peut justifier une telle dépense.  Et considérant que le tunnel sera situé sous les pistes de l'aéroport, les contraintes techniques pourraient augmenter sérieusement les coûts de construction.

5. Les antennes Sud et Ouest du REM aboutissent dans des quartiers de faible densité ou sur des terres agricoles. 

Le REM réunit clairement tous les facteurs de risques budgétaires.  En cumulant tous ces facteurs, il ne serait pas surprenant si le REM connaissait un dépassement des coûts de 2$ milliards.



Autres risques techniques, affectant les coûts de construction

Les cinq facteurs précédents sont liés aux choix de gestion des projets.  Dans le cas du REM, on peut ajouter un grand nombre de facteurs techniques, qui risquent de faire augmenter les coûts, bien au-delà des prévisions budgétaires.

Tunnel du Mont-Royal



-Le tunnel, construit il y a 100 ans, ne respecte pas les normes d'incendie modernes.  Sans la construction de la station Edouard Montpetit, des améliorations étaient requises.  Maintenant que l'ajout de cette station est prévu, le défi et les exigences sont multipliés.  La ventilation de la nouvelle station créera une aspiration de l'air du tunnel vers la station.  En cas d'incendie, la station aura donc tendance à agir comme une cheminée qui canalisera toute la fumée d'un incendie dans le tunnel.  Cela doit être évité car, dans ce cas, il y a danger mortel pour les usagers sujets à une évacuation d'urgence.
-La construction de la station Édouard Montpetit signifie que de grandes quantités de déblais devront être évacuées par la portion nord du tunnel.  Un élargissement du tunnel semble requis dans cette portion.  Notons que la CDPQ a promis de ne pas interrompre le service sur la ligne Deux-Montagnes. Avec la construction de la nouvelle station, cette promesse semble impossible à respecter.
-Le tunnel, en ce qui concerne les passages piétonniers dédiés à une évacuation, ne respecte pas les normes.  Selon Denis Allard (Fond mondial du patrimoine ferroviaire), il faudrait élargir le tunnel pour assurer un passage de piéton, en cas d'incendie ou simplement de panne majeure.

Tronçon Rive-Sud
-Lors de l'entrée à Montréal, le REM parcoure plusieurs anciens sites industriels.  Pour plusieurs terrains impliqués dans la construction, il existe un risque élevé de sols contaminés.
-Selon Daniel Green, spécialiste des anciens dépotoirs industriels, il est probable que l'eau circulant dans la nappe phréatique amènera des substances toxiques dans les travaux de creusage de tunnels.
-La station Griffintown sera elle-même située en milieu aquatique, en fait un ancien marécage.  Pour les futurs tunnels et station,  les modalités de construction seront très exigeantes, pour assurer l'étanchéité.

La station McGill
Une analyse de Denis Allard (Fonds du patrimoine ferroviaire mondial) permet de comprendre les nombreuses difficultés à construire cette station, car le tunnel du métro et le tunnel du Mont-Royal sont superposés et se soutiennent mutuellement.

Ligne Deux-Montagnes
Deux ponts devront être reconstruits pour le REM.  Pour ces deux cas, le ministère fédéral Pêches et Océans ne sait pas s'il a juridiction, car la CDPQ ne sait pas si ces sites sont propices à la pêche ou la reproduction du poisson.  Il est possible que la construction de ces deux ponts soit retardée d'un an ou deux, à cause des études requises et des exigences du Ministère fédéral.

Le stationnement à la station terminale du quartier 10-30
Le stationnement prévu à la station terminale est déjà énorme, avec 3000 places.  On peut prévoir des coûts indirects importants pour le réseau routier environnement, pour assurer des entrées-sorties sécuritaires.  Mais en fait, la situation pourrait exiger beaucoup d'autres investissements pour le motif suivant: selon les sondages des sociétés de transport de la Rive-sud, il semble qu'une forte proportion des usagers actuels des autobus veut abandonner l'autobus, pour aller stationner leur automobile au 10-30.  Comment les autorités pourront-ils gérer une situation où, à chaque matin, 6000 automobiles veulent utiliser les 3000 places disponibles?

   

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