REM: dépassement majeur des prévisions
budgétaires?
Analyse de Luc Gagnon
Selon les prévisions
budgétaires, les coûts de construction du Réseau électrique métropolitain (REM)
sont de 5,9$ milliards. Ce montant ne
tient pas compte des infrastructures que les gouvernements
"donneront" à la CDPQ: tunnel du Mont-Royal, ligne Deux-Montagnes,
centre d'entretien de l'AMT, portion du Pont Champlain... Le vrai coût dépasse
donc 8$ milliards. Il faut se demander
si ces prévisions budgétaires seront respectées, car un dépassement des coûts
de seulement 20% ajoute 1,5$ milliard au projet.
Facteurs universels de
dépassements importants de budget (analyses de Jean E. Fortier)
1. Les échéances trop courtes ou le désir de construire très rapidement.
Ce facteur explique en
grande partie les dépassements de budgets pour des événements sportifs, comme
les jeux olympiques ou les Coupes du monde exigeant de nouveau équipements.
2. Les projets conçus dans le secret, dépassent souvent les prévisions budgétaires,
car aucun expert indépendant ne peut contester les mauvais choix
stratégiques. Un exemple flagrant de cela
est le Stade olympique de Montréal, dont la conception n'a pas fait l'objet
d'une seule contre-expertise. Les coûts
réels de construction ont été 3 à 4 fois plus élevés que la prévision
budgétaire.
3. Des projets dont les experts ne connaissent
pas les conditions locales,
notamment les contraintes climatiques.
C'est le cas de nombreux projets internationaux où le choix
technologique n'est pas approprié. Au
Québec, le Stade olympique est encore l'exemple le plus évident, avec un toit
conçu pour un climat doux, avec peu de neige.
Facteurs spécifiques au
transport collectif, causant des dépassements de budget
4. Les projets de grande capacité, visant à
desservir un aéroport. À Toronto, dans le cadre de son "Big
Move", tous les projets de tramway ont connu un grand succès en termes de
coûts par passager. Le seul fiasco est
le skytrain vers l'aéroport Pearson,
dont l'achalandage est beaucoup trop faible pour justifier la taille de
l'investissement.
5. Les projets de grande capacité, visant à desservir des quartiers de faible densité. Un exemple récent au Québec est le train de l'Est. Les coûts de construction ont été deux fois plus élevés que les prévisions budgétaires et l'achalandage est 40% plus faible que la prévision. Par passager, le projet est donc trois fois plus cher que les prévisions.
Est-ce que ces facteurs s'appliquent au REM? On
peut les reprendre un à un:
1. Suite à des
décisions politiques, les échéances du REM sont très courtes (2020), possiblement
déraisonnables. Cela a mené à des
entorses majeures dans le processus d'évaluation du projet.
2. Le projet a été
conçu dans le plus grand secret, sans contribution des villes ou sociétés de
transport. Les séances de
"consultation" organisées par la CDPQ étaient en fait des séances
d'information.
3. Les deux
haut-gestionnaires, engagés par la CDPQ, ne connaissaient pas les besoins de
transport collectif de la région de Montréal.
4. L'antenne vers
l'aéroport exige la construction d'un tunnel d'environ 1 km. Il est clair que l'achalandage ne peut
justifier une telle dépense. Et
considérant que le tunnel sera situé sous les pistes de l'aéroport, les
contraintes techniques pourraient augmenter sérieusement les coûts de
construction.
5. Les antennes Sud et
Ouest du REM aboutissent dans des quartiers de faible densité ou sur des terres
agricoles.
Le REM réunit clairement tous les facteurs de
risques budgétaires. En cumulant tous
ces facteurs, il ne serait pas surprenant si le REM connaissait un dépassement
des coûts de 2$ milliards.
Autres risques techniques,
affectant les coûts de construction
Les cinq facteurs
précédents sont liés aux choix de gestion des projets. Dans le cas du REM, on peut ajouter un grand
nombre de facteurs techniques, qui risquent de faire augmenter les coûts, bien
au-delà des prévisions budgétaires.
-Le tunnel, construit
il y a 100 ans, ne respecte pas les normes d'incendie modernes. Sans la construction de la station Edouard Montpetit,
des améliorations étaient requises.
Maintenant que l'ajout de cette station est prévu, le défi et les exigences
sont multipliés. La ventilation de la
nouvelle station créera une aspiration de l'air du tunnel vers la station. En cas d'incendie, la station aura donc
tendance à agir comme une cheminée qui canalisera toute la fumée d'un incendie
dans le tunnel. Cela doit être évité
car, dans ce cas, il y a danger mortel pour les usagers sujets à une évacuation
d'urgence.
-La construction de la
station Édouard Montpetit signifie que de grandes quantités de déblais devront
être évacuées par la portion nord du tunnel.
Un élargissement du tunnel semble requis dans cette portion. Notons que la CDPQ a promis de ne pas
interrompre le service sur la ligne Deux-Montagnes. Avec la construction de la
nouvelle station, cette promesse semble impossible à respecter.
-Le tunnel, en ce qui
concerne les passages piétonniers dédiés à une évacuation, ne respecte pas les
normes. Selon Denis Allard (Fond mondial
du patrimoine ferroviaire), il faudrait élargir le tunnel pour assurer un
passage de piéton, en cas d'incendie ou simplement de panne majeure.
Tronçon Rive-Sud
-Lors de l'entrée à
Montréal, le REM parcoure plusieurs anciens sites industriels. Pour plusieurs terrains impliqués dans la
construction, il existe un risque élevé de sols contaminés.
-Selon Daniel Green,
spécialiste des anciens dépotoirs industriels, il est probable que l'eau circulant
dans la nappe phréatique amènera des substances toxiques dans les travaux de
creusage de tunnels.
-La station
Griffintown sera elle-même située en milieu aquatique, en fait un ancien
marécage. Pour les futurs tunnels et
station, les modalités de construction
seront très exigeantes, pour assurer l'étanchéité.
La station McGill
Une analyse de Denis
Allard (Fonds du patrimoine ferroviaire mondial) permet de comprendre les
nombreuses difficultés à construire cette station, car le tunnel du métro et le
tunnel du Mont-Royal sont superposés et se soutiennent mutuellement.
Ligne Deux-Montagnes
Deux ponts devront
être reconstruits pour le REM. Pour ces
deux cas, le ministère fédéral Pêches et Océans ne sait pas s'il a juridiction,
car la CDPQ ne sait pas si ces sites sont propices à la pêche ou la
reproduction du poisson. Il est possible
que la construction de ces deux ponts soit retardée d'un an ou deux, à cause
des études requises et des exigences du Ministère fédéral.
Le stationnement à la station terminale du
quartier 10-30
Le stationnement prévu à la station terminale est déjà énorme, avec 3000
places. On peut prévoir des coûts
indirects importants pour le réseau routier environnement, pour assurer des
entrées-sorties sécuritaires. Mais en
fait, la situation pourrait exiger beaucoup d'autres investissements pour le
motif suivant: selon les sondages des sociétés de transport de la Rive-sud, il
semble qu'une forte proportion des usagers actuels des autobus veut abandonner
l'autobus, pour aller stationner leur automobile au 10-30. Comment les autorités pourront-ils gérer une
situation où, à chaque matin, 6000 automobiles veulent utiliser les 3000 places
disponibles?
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