mardi 14 mars 2017

LE TRAIN? PAS 6 MILLIARDS $ MAIS 9 MILLIARDS $


Le REM, un projet d’au moins 9 milliards



Une analyse de Laurent Howe



L’annonce, il y a maintenant près d’une année, d’un projet d’infrastructure de transport collectif à Montréal a été chaleureusement accueillie par la grande majorité d’entre nous.
  Alors que nos gouvernements provinciaux ont commandé études sur études au cours des 30 dernières années concernant notamment divers projets de tramway ou d’extension du métro, tous furent reportés sine die.  Lorsque le gouvernement provincial actuel, de pair avec la Caisse de dépôt et placement du Québec, ont annoncé le projet du REM, on a senti, pour une fois, une réelle volonté de mener le projet à terme. 



Depuis, cette volonté apparaît aujourd’hui comme une course.  Le maire de Montréal déclarait récemment en entrevue télévisée que l’on a “pas de temps à perdre”
à se poser des questions.  Comme citoyens, il est difficile de comprendre comment le fait se poser des questions sur la pertinence d’un projet d’investissement aussi important est une perte de temps.  Et pour cause!



Plus nous nous y attardons, plus nous constatons le caractère approximatif et expéditif des évaluations qui ont été rendues publiques.  D’abord, l’évaluation des coûts.  On nous annonce un projet de 6 milliards de dollars, mais sans parler du fait que nous allons donner pour au moins 3 milliards de dollars d’infrastructures publiques à la Caisse de dépôt.  On parle bien ici de la ligne de train de banlieue Montréal-Deux-Montagnes (1,4 G$),
 des dépôts ferroviaires neufs construits par l’AMT et rendus inutilisables (300M$), du tunnel du Mont-Royal (1,5 G$), sans parler des centaines de millions de dollars investis pour acheter des locomotives et wagons fraîchement livrés.  A-t-on besoin de mentionner les centaines d’autobus de la STM qui vont prendre définitivement le chemin du garage? 





Collectivement, ces infrastructures nous appartiennent. Le tout, alors que 90% des usagers prévus par le projet du REM utilisent déjà le transport collectif.  La Caisse pense donc être capable d’aller chercher à peine 15000 usagers supplémentaires.  Au prix que cela nous coûterait, il serait plus économique d’acheter une maison à Montréal pour chaque nouvel usager plutôt que d’ériger le système proposé.



Tout cela est bien sûr sans compter l’essentiel.  Le projet actuel du REM a tout pour engendrer des dépassements de coûts.  Pourtant, il est connu que l’empressement, le manque de consultations et d’évaluations,
la méconnaissance des conditions locales par les promoteurs sont des facteurs déterminants de l’explosion des coûts d’un projet.  L’extension du métro vers Laval au début des années 2000 en est un exemple parfait.  Annoncé à l’origine pour la somme de 172 millions de dollars, le projet a finalement coûté plus de 700 millions. 



Lorsque l’on observe les détails du projet, le manque d’évaluation sérieuse apparaît encore plus clairement.  Le tunnel du Mont-Royal, construit il y a 100 ans, ne respecte pas les normes d'incendie modernes. La ventilation de la nouvelle station Édouard-Montpetit créera une aspiration de l'air du tunnel vers la station. En cas d'incendie, la station aura donc tendance à agir comme une cheminée qui canalisera toute la fumée d'un incendie dans le tunnel. Cela doit être évité car, dans ce cas, il y a danger mortel pour les usagers sujets à une évacuation d'urgence.



Notons que la CDPQ a promis de ne pas interrompre le service sur la ligne Montréal-Deux-Montagnes. Avec la construction de la nouvelle station, cette promesse semble impossible à respecter.  Comment peut-on démanteler entièrement une ligne de train sans en interrompre le service?  À cela s’ajoute une pléthore de problèmes additionnels. La traversée de terrains hautement contaminés dans le sud-ouest de Montréal pose un risque important pour la nappe phréatique. 
La construction d’une station sous l’eau dans le secteur de Griffintown représente un défi technique jamais réalisé ici, d’autant plus qu’elle serait construite dans un sol marécageux et instable.



Il faut considérer aussi que notre gouvernement n’a pas prévu un accès routier suffisant pour de nombreux stationnements incitatifs.  Sur la Rive-Sud par exemple, la voie d’accès pour la gare terminale est la même que pour le pont Champlain.  D’une façon ou d’une autre, les usagers désireux de faire leur part pour l’environnement se retrouveront dans la même congestion que les automobilistes qui veulent traverser le pont.



On pourrait croire, comme nous le répète la caisse, que les coûts du projet seront parfaitement maîtrisés.  Pourtant, notre expérience toute récente des projets réalisés en mode PPP (Partenariat Public-Privé) nous montre que cela n’amène ni une meilleure gestion, ni une garantie contre les dépassements de coûts.  On a qu’à penser à la construction des deux derniers méga-hôpitaux de Montréal.  Les prises de courant installées au CUSM ne permettaient même pas de faire fonctionner une machine à café.  Quant au CHUM, on cumule les retards et les dépassements de coûts...  En ce qui concerne le REM, pensons qu’un dépassement d’à peine 20% représente 1,5 milliards de dollars.



Pris dans toute cette analyse technique, on risquerait d’oublier le plus important: l’utilisateur du transport collectif lui-même.  Lors des consultations publiques, les usagers ont pourtant affiché une nette préférence pour le système actuel par rapport à celui qu’on souhaite leur imposer. 



Nous attendons des projets structurants depuis des décennies dans la métropole.  Il est illusoire d’imaginer que quelques mois d’études supplémentaires puissent causer un tort irréparable.  Avec les sommes engagées, l’impact immense que ce projet peut avoir dans la métropole fait qu’il est de notre devoir, comme citoyens, de s’intéresser à ces aspects et d’exiger des réponses, tant à notre gouvernement qu’à la Caisse de dépôt et placement.  Si ce projet est aussi fantastique qu’on nous le présente, la démonstration de ses avantages ne devrait pas être difficile.  Au contraire, le silence auquel on fait face ne peut que malheureusement nous faire croire le contraire.

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