Le REM, un projet d’au moins 9
milliards
Une analyse de Laurent Howe
L’annonce, il y a maintenant près
d’une année, d’un projet d’infrastructure de transport collectif à Montréal a été
chaleureusement accueillie par la grande majorité d’entre nous.
Alors que nos gouvernements provinciaux ont commandé études sur études au cours des 30 dernières années concernant notamment divers projets de tramway ou d’extension du métro, tous furent reportés sine die. Lorsque le gouvernement provincial actuel, de pair avec la Caisse de dépôt et placement du Québec, ont annoncé le projet du REM, on a senti, pour une fois, une réelle volonté de mener le projet à terme.
Alors que nos gouvernements provinciaux ont commandé études sur études au cours des 30 dernières années concernant notamment divers projets de tramway ou d’extension du métro, tous furent reportés sine die. Lorsque le gouvernement provincial actuel, de pair avec la Caisse de dépôt et placement du Québec, ont annoncé le projet du REM, on a senti, pour une fois, une réelle volonté de mener le projet à terme.
Depuis, cette volonté apparaît
aujourd’hui comme une course. Le maire
de Montréal déclarait récemment en entrevue télévisée que l’on a “pas de temps
à perdre”
à se poser des questions. Comme citoyens, il est difficile de comprendre comment le fait se poser des questions sur la pertinence d’un projet d’investissement aussi important est une perte de temps. Et pour cause!
à se poser des questions. Comme citoyens, il est difficile de comprendre comment le fait se poser des questions sur la pertinence d’un projet d’investissement aussi important est une perte de temps. Et pour cause!
Plus nous nous y attardons, plus
nous constatons le caractère approximatif et expéditif des évaluations qui ont
été rendues publiques. D’abord,
l’évaluation des coûts. On nous annonce
un projet de 6 milliards de dollars, mais sans parler du fait que nous allons
donner pour au moins 3 milliards de dollars d’infrastructures publiques à la
Caisse de dépôt. On parle bien ici de la
ligne de train de banlieue Montréal-Deux-Montagnes (1,4 G$),
des dépôts ferroviaires neufs construits par l’AMT et rendus inutilisables (300M$), du tunnel du Mont-Royal (1,5 G$), sans parler des centaines de millions de dollars investis pour acheter des locomotives et wagons fraîchement livrés. A-t-on besoin de mentionner les centaines d’autobus de la STM qui vont prendre définitivement le chemin du garage?
des dépôts ferroviaires neufs construits par l’AMT et rendus inutilisables (300M$), du tunnel du Mont-Royal (1,5 G$), sans parler des centaines de millions de dollars investis pour acheter des locomotives et wagons fraîchement livrés. A-t-on besoin de mentionner les centaines d’autobus de la STM qui vont prendre définitivement le chemin du garage?
Collectivement, ces
infrastructures nous appartiennent. Le tout, alors que 90% des usagers prévus
par le projet du REM utilisent déjà le transport collectif. La Caisse pense donc être capable d’aller
chercher à peine 15000 usagers supplémentaires.
Au prix que cela nous coûterait, il serait plus économique d’acheter une
maison à Montréal pour chaque nouvel usager plutôt que d’ériger le système
proposé.
Tout cela est bien sûr sans
compter l’essentiel. Le projet actuel du
REM a tout pour engendrer des dépassements de coûts. Pourtant, il est connu que l’empressement, le
manque de consultations et d’évaluations,
la méconnaissance des conditions locales par les promoteurs sont des facteurs déterminants de l’explosion des coûts d’un projet. L’extension du métro vers Laval au début des années 2000 en est un exemple parfait. Annoncé à l’origine pour la somme de 172 millions de dollars, le projet a finalement coûté plus de 700 millions.
la méconnaissance des conditions locales par les promoteurs sont des facteurs déterminants de l’explosion des coûts d’un projet. L’extension du métro vers Laval au début des années 2000 en est un exemple parfait. Annoncé à l’origine pour la somme de 172 millions de dollars, le projet a finalement coûté plus de 700 millions.
Lorsque l’on observe les détails
du projet, le manque d’évaluation sérieuse apparaît encore plus
clairement. Le tunnel du Mont-Royal,
construit il y a 100 ans, ne respecte pas les normes d'incendie modernes. La
ventilation de la nouvelle station Édouard-Montpetit créera une aspiration de
l'air du tunnel vers la station. En cas d'incendie, la station aura donc
tendance à agir comme une cheminée qui canalisera toute la fumée d'un incendie
dans le tunnel. Cela doit être évité car, dans ce cas, il y a danger mortel
pour les usagers sujets à une évacuation d'urgence.
Notons que la CDPQ a promis de ne
pas interrompre le service sur la ligne Montréal-Deux-Montagnes. Avec la
construction de la nouvelle station, cette promesse semble impossible à
respecter. Comment peut-on démanteler
entièrement une ligne de train sans en interrompre le service? À cela s’ajoute une pléthore de problèmes additionnels.
La traversée de terrains hautement contaminés dans le sud-ouest de Montréal
pose un risque important pour la nappe phréatique.
La construction d’une station sous l’eau dans le secteur de Griffintown représente un défi technique jamais réalisé ici, d’autant plus qu’elle serait construite dans un sol marécageux et instable.
La construction d’une station sous l’eau dans le secteur de Griffintown représente un défi technique jamais réalisé ici, d’autant plus qu’elle serait construite dans un sol marécageux et instable.
Il faut considérer aussi que notre
gouvernement n’a pas prévu un accès routier suffisant pour de nombreux
stationnements incitatifs. Sur la
Rive-Sud par exemple, la voie d’accès pour la gare terminale est la même que
pour le pont Champlain. D’une façon ou
d’une autre, les usagers désireux de faire leur part pour l’environnement se
retrouveront dans la même congestion que les automobilistes qui veulent
traverser le pont.
On pourrait croire, comme nous le
répète la caisse, que les coûts du projet seront parfaitement maîtrisés. Pourtant, notre expérience toute récente des
projets réalisés en mode PPP (Partenariat Public-Privé) nous montre que cela
n’amène ni une meilleure gestion, ni une garantie contre les dépassements de
coûts. On a qu’à penser à la
construction des deux derniers méga-hôpitaux de Montréal. Les prises de courant installées au CUSM ne
permettaient même pas de faire fonctionner une machine à café. Quant au CHUM, on cumule les retards et les
dépassements de coûts... En ce qui concerne
le REM, pensons qu’un dépassement d’à peine 20% représente 1,5 milliards de
dollars.
Pris dans toute cette analyse
technique, on risquerait d’oublier le plus important: l’utilisateur du
transport collectif lui-même. Lors des
consultations publiques, les usagers ont pourtant affiché une nette préférence
pour le système actuel par rapport à celui qu’on souhaite leur imposer.
Nous attendons des projets
structurants depuis des décennies dans la métropole. Il est illusoire d’imaginer que quelques mois
d’études supplémentaires puissent causer un tort irréparable. Avec les sommes engagées, l’impact immense
que ce projet peut avoir dans la métropole fait qu’il est de notre devoir,
comme citoyens, de s’intéresser à ces aspects et d’exiger des réponses, tant à
notre gouvernement qu’à la Caisse de dépôt et placement. Si ce projet est aussi fantastique qu’on nous
le présente, la démonstration de ses avantages ne devrait pas être difficile. Au contraire, le silence auquel on fait face
ne peut que malheureusement nous faire croire le contraire.
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