S'il est souhaitable que le Réseau électrique métropolitain (REM) voie le jour, il est primordial, en retour, que la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) soit totalement transparente dans la préparation et l'exploitation éventuelles du projet. Des questions demeurent sans réponse.
Une analyse de Gérald Fillion
Deux points : le rendement et l’achalandage.
D’abord, CDPQ Infra affirme que les coûts d’exploitation des réseaux de transport public de la grande région de Montréal se situeront entre 69 et 72 cents par passager-kilomètre en 2022 contre une estimation de 66 cents pour le réseau actuel. CDPQ Infra ajoute que, à la fin des discussions avec les autorités publiques et après les appels d’offres, « le cadre financier définitif du projet sera précisé, y compris le rendement validé par un vérificateur externe, et rendu public comme prévu ».
C’est très bien parce qu’il faut connaître la cible de rendement attendue par la Caisse de dépôt. C’est capital, puisque l’investissement des gouvernements du Québec et du Canada en dépend. Comme l'indique le rapport du BAPE remis en décembre dernier, l’entente conclue entre la Caisse et le gouvernement du Québec pour faire le REM vient « contraindre les gouvernements à renoncer, au bénéfice de la CDPQ, à une portion [du] rendement s’il ne dépasse pas un seuil préétabli dans la convention d’actionnaires [...] ».
Autrement dit, si la Caisse n’atteint pas ou ne dépasse pas sa cible de rendement, les deux ordres de gouvernement ne toucheront aucun rendement. Pourtant, il est envisagé que les gouvernements du Canada et du Québec investissent dans le projet à hauteur de 45 % (soit possiblement 22,5 % pour Québec et 22,5 % pour Ottawa).
Par exemple, si la cible de CDPQ Infra est un rendement de 8 %, ça veut dire que la Caisse va toucher 100 % des premiers 8 % de rendement. Ensuite, le rendement excédentaire sera réparti entre les trois partenaires, soit possiblement 55 % à la Caisse, 22,5 % à Québec et 22,5 % à Ottawa. Vous avez bien lu : même s’ils sont actionnaires à 45 % du projet, les gouvernements vont se retrouver à donner, à céder, à subventionner pratiquement le rendement de la Caisse de dépôt.
En entrevue à RDI économie vendredi, le PDG de CDPQ Infra, Macky Tall, a confirmé que le cadre financier et le rendement seraient rendus publics. Cela dit, la Caisse semble hésiter à faire de même avec la convention des actionnaires comme le demande le BAPE. Macky Tall affirme que ce sera « la convention d’actionnaires ou les éléments importants qui vont cadrer les participations des gouvernements ».
Les données retenues par la Caisse
Et puis, le BAPE indique dans son rapport un élément qui semble être passé sous le radar, mais qui est pourtant crucial dans le succès du projet. Le BAPE « constate que, pour établir les prévisions d’achalandages du REM, le promoteur [CDPQ Infra] a modifié certains résultats obtenus dans le cadre de la réalisation des études de préférences déclarées ».
La firme Steer Davies Gleave a réalisé pour la Caisse plusieurs études de préférences pour établir l’achalandage attendu. Ces études ont été réalisées en mai et en juin derniers auprès des populations ciblées par le projet du REM. Le BAPE rapporte ce que la firme Steer Davies Gleave indique dans son rapport : « Les résultats montrent une préférence pour les modes de transport actuels, comparés au REM. » Ils montrent également que l’utilisation du REM entraîne des pénalités en matière de temps de déplacement pour les usagers par rapport aux transports actuels.
La Caisse dit, au contraire, que le REM leur fera gagner du temps.
Retour à l'auto?
Le BAPE souligne aussi que « le promoteur n’a pas envisagé le risque d’un retour des usagers du transport en commun vers l’automobile pour évaluer l’achalandage du REM ». Un regard objectif sur l’achalandage, affirme le BAPE, doit intégrer la possibilité que des gens reviennent à l’auto ou intègrent une part de leur déplacement en automobile.
« On peut raisonnablement penser, selon le BAPE, que les usagers actuels du transport collectif pourraient revenir à la voiture si le nouveau mode du REM, avec ses correspondances imposées, ne leur convenait pas. »
Macky Tall nous a répondu ceci : « Ce type de projet change les comportements et amène, avec le passage du temps, une plus grande adhésion pour le transport en commun et une augmentation de l’achalandage. »
« L’hypothèse sous-jacente du modèle est que les usagers du transport en commun verront leur expérience de transport s’améliorer (temps de voyages et fréquences) », nous avait répondu la Caisse, le 24 novembre dernier. « Ainsi, le transfert de la demande du transport en commun vers la voiture serait donc très limité, ce qui justifie pourquoi cette hypothèse n’est pas prévue dans le modèle. »,
Le BAPE réclame une nouvelle expertise indépendante. Macky Tall nous a dit que ce sera à l’Autorité régionale de transport métropolitain de déterminer si elle désire une nouvelle expertise. Il considère que la firme Steer Davies Gleave a déjà fait le travail indépendant exigé sur l’achalandage.
Il dit également que l'étude du rapport du BAPE se poursuit et que la Caisse travaille avec le ministère de l'Environnement pour améliorer le projet.
Alors...
Alors, en résumé : la bonne nouvelle, c’est que la Caisse va rendre publique sa cible de rendement, ce qui va nous aider à mieux connaître les coûts pour les gouvernements.
La moins bonne nouvelle, c’est que la Caisse semble prendre pour acquise une adhésion forte à son projet, faisant fi des sévères critiques du BAPE en la matière et les conclusions sur les perceptions livrées par les rapports de Steer Davies Gleave.
Nous gagnerions, comme déposants à la Caisse et contribuables, à en savoir un peu plus sur l'achalandage projeté.
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