1) LES QUESTIONS; 2) LES RÉPONSES DE GUILBAULT 3) LESCOMMENTAIRES DE GAGNON.
Une
écologiste de notre réseau, Mme Alison Hackney, a fait parvenir plusieurs
questions à Karel Mayrand et Steven Guilbault, au sujet du REM. Je
remercie Steven d'avoir répondu avec diligence à ses questions.
Le
texte ci-joint présente donc les questions d'Alison, les réponses de Steven et
quelques commentaires qui expliquent pourquoi Trainsparence et la
Coalition climat Montréal considèrent que le REM est très nuisible.
J'espère que vous prendrez le temps de le lire, car il résume bien les
différents points de vue.
Q : Ce n’est pas le
meilleur projet et il risque de reléguer d’autres projets de transport en
commun aux oubliettes. Pourquoi l’appuyez-vous ?
R : Vous avez raison en ce qui
concerne les autres projets de transport en commun et c’est à nous tous de nous
assurer que le gouvernement du Québec comprenne que ce projet est l’un de
nombreux projets de transport en commun nécessaires pour réduire nos émissions
de GES dans le secteur des transports au Québec, mais qu’à lui seul, il n’est
certainement pas suffisant. C’est un premier grand projet structurant et voilà
pourquoi nous l’appuyons, comme nous appuyons les demandes de plusieurs autres
projets de transport en commun.
Commentaire: Pour que la
position d'Équiterre soit valide, il faut que toutes les présomptions suivantes
soient valides en même temps:
-Le gouvernement du Québec
multipliera par 3 ses investissements en transport collectif.
-Le REM est réalisé en 4-5
ans, même avec les 3 stations ajoutées.
-Le REM ne connaîtra aucun
dépassement de budgets. Ceci serait surprenant, en considérant que les projets
conçus dans le secret, réalisé rapidement, connaissent presque tous de grands
dépassements des budgets.
Q : Pourquoi engager
des sommes faramineuses quand l’achalandage n’est pas garanti ?
R : Nous croyons que l’achalandage
sera au rendez-vous avec l’offre accrue d’un service de qualité.
Le REM est un bon projet de par sa haute fréquence et sa grande
amplitude horaire, des éléments essentiels du caractère structurant du
transport collectif. Nous n’avons rien vu du pareil à Montréal et pourtant des
trains semblables constituent déjà un franc succès dans d’autres métropoles
comme Vancouver.
Commentaires
-Avec un projet de 7$ milliards, il semble qu'il faut aller au-delà des croyances ou des promesses. Notre position est basée sur l'analyse détaillée du BAPE: 90% des usagers du REM sont déjà des utilisateurs du transport collectif; sur le 10% de nouveaux usagers, plus de 80% demeurent des usagers de l'auto qui vont stationner au REM.
-Avec un projet de 7$ milliards, il semble qu'il faut aller au-delà des croyances ou des promesses. Notre position est basée sur l'analyse détaillée du BAPE: 90% des usagers du REM sont déjà des utilisateurs du transport collectif; sur le 10% de nouveaux usagers, plus de 80% demeurent des usagers de l'auto qui vont stationner au REM.
-L'exemple de Vancouver
est vraiment inapproprié: pour Vancouver, une ville dense, le Skytrain est leur
métro avec 400 000 passages/jour. LE REM, pour une longueur similaire attirera
150 000 passages, en
circulant surtout dans des quartiers de faible densité. Le REM est 3 fois
plus cher par passager. Les extensions au Skytrain de Vancouver ont été
rejetées, trop coûteuses.
Q :
Le REM risque de ne pas contribuer vraiment à la réduction des GES.
Alors, pourquoi l’appuyer ?
R : Le REM est le plus
important projet de transport collectif en 50 ans dans la région de Montréal
(depuis la construction du métro). Les émissions de gaz à effet de serre dans
le secteur du transport ont cru de 31 % au Québec depuis 1990 et atteignent
aujourd’hui 43 % de l’ensemble des émissions de la province. On ne peut pas se
permettre de continuer à ajouter des autos sur nos routes. Il faut donc offrir
des alternatives efficaces pour les habitants de l’île de Montréal et la première
couronne. De plus, des embouteillages monstres nous coûtent une fortune et
nuisent à la qualité de l’air. Contrairement à ce que certains ont laissé
entendre, nous croyons que le REM va contribuer à réduire le nombre
de voitures sur nos routes, et donc à réduire aussi nos émissions de GES.
La réponse parle des
problèmes de transport (d'accord), mais ne répond pas à la question.
La réalité est simple, le
REM ne diminue pas l'usage de l'auto. En fait, il est fort probable qu'il
va l'augmenter, pour plusieurs motifs:
-L'étalement urbain qu'il
va engendrer rends les ménages dépendants de l'auto.
-Le REM va sûrement causer
une hausse des tarifs du transport collectif, dans toute la région de
Montréal. Une telle hausse convaincra de nombreux usagers à adopter
l'automobile.
-Il est évident que de
très nombreux usagers du REM seront des anciens usagers des trains de banlieues
actuels. Plusieurs lignes actuelles verront leur déficit augmenter
sérieusement. Il en résultera probablement des fermetures de lignes ou
une réduction des services.
-Sur la Rive-sud, les
sondages indiquent que la grande majorité des usagers des autobus abandonneront
leur autobus, et prendront leur auto pour aller stationner au REM.
Qu'arrivera-t-il quand 9000 automobiles voudront stationner dans les 3000
places prévues?
Q :
Le REM accentuera l’étalement urbain et augmentera la pression sur
les milieux naturels et les terres agricoles.
R : L’étalement urbain est hors
contrôle en ce moment, alimenté principalement par le réseau autoroutier. La
région de Montréal accueillera plus de 200 000 nouveaux ménages dans les 12
prochaines années : il faut pouvoir canaliser cette croissance aux
abords du transport en commun. L’autre alternative, c’est la poursuite de
l’étalement urbain autour des autoroutes. L’abandon du REM serait
beaucoup plus néfaste que sa réalisation. Nous ne pouvons pas nous permettre
d’attendre encore des années avant de changer de direction.
Il existe des mécanismes
pour atténuer l'étalement: péages, taxes majeures sur les carburants… Au
Québec, aucun de ces mécanismes n'est considéré ou acceptable
politiquement. Pour contrer l'étalement, tout est donc dépendant des
systèmes de transport choisis. Le REM augmente l'étalement urbain de même
manière qu'une autoroute, en donnant l'illusion que la congestion va
diminuer et que la distance n'a pas d'importance. La seule méthode
efficace pour réduire l'étalement est d'inciter à une concentration du
développement, comme des lignes de tramways sont capables de le faire.
Q :
Le REM détruira des milieux humides et des terres agricoles.
R : Nous partageons vos
inquiétudes, mais nous croyons aussi que ce projet peut se construire tout en
minimisant son impact sur les terres. Voilà pourquoi dans les conditions
présentées par les trois ONGs qui ont appuyé le projet du REM, on trouve
notamment une demande claire des mesures de mitigation à l’étalement
urbain, à savoir : protection accrue des milieux naturels et agricoles,
avec un statut spécifique de préservation pour les secteurs autour de la
station terminale Rive-Sud à Brossard; pour la branche ouest à destination de
Sainte-Anne-de-Bellevue, la réalisation d’une étude détaillée de l’effet
potentiel d’induction de l’étalement urbain; et finalement, la mise sur
pied d’un groupe de travail/comité de surveillance de l’étalement urbain induit
dans les secteurs concernés.
Faire des études ou
établir des comités de surveillance sont peut-être des demandes
"claires". Par contre, il est difficile de concevoir comment de
telles demandes peuvent réduire l'étalement urbain. On pourrait continuer
l'analogie avec les projets d'autoroutes et faire la demande suivante au
gouvernement: "Vous pouvez construire cette autoroute, à la condition de
mettre en place des mesures pour empêcher l'étalement urbain". En
fait, des politiciens ont déjà fait des promesses semblables, sans jamais
atténuer l'étalement.
Q : « L’ennui avec le
projet, c'est qu'on va investir 5 milliards $ sans vraiment augmenter la
capacité du réseau de TEC, alors que cet argent investi ailleurs aurait pu, par
exemple, financer un réseau de tramways autrement plus utile. »
R : Nous considérons que les
projets de transport en commun ne doivent pas s’inscrire en faux les uns contre
les autres. Pour réduire le nombre de voitures sur nos routes et nos émissions
de GES, plusieurs projets seront nécessaires. Mais comme premier grand
projet, le REM nous semble viable et structurant. Il a déjà été
bonifié et il peut l’être encore. Nous allons maintenir la pression pour que
le REM soit le meilleur projet possible, sans pour autant l’arrêter
ni repartir à zéro. Nous ne pouvons pas délaisser un grand train électrique en
2020 pour peut-être voir des tramways en 2030. Il faut les deux, et plus! Nous
devons demander au gouvernement du Québec d’avoir une vision claire, ambitieuse
et à long terme pour le transport collectif dans l’ensemble de la province.
Vous dites que vous allez
maintenir la pression pour que le REM soit le meilleur possible. Il
faudrait expliquer quelles améliorations sont possibles.
Pour favoriser l'accès à pied
au transport collectif, il faut multiplier le nombre de stations. Pour
faire cela, il faut rejeter le choix de la technologie du skytrain, car chaque
station coûte trop cher.
Pour augmenter l'achalandage,
il faut desservir les quartiers denses de l'Est, du centre et du Sud-ouest de
Montréal. Pour cela, il faut changer le tracé du REM.
Donc comment améliorer un
projet dont il faut changer la technologie et les tracés??
Q : Montréal vise une
réduction de 80 % de ses émissions de GES d'ici 2050. Cela représente environ
8,1 millions de tonnes par an. La CDPQ estime que son REM entraînera des
réductions de 35 000 tonnes /an (et elle ne tient pas compte de celles liées à
la construction, qu'on peut estimer entre 600 000 et 900 000 tonnes). Donc les
réductions de GES du REM représenteront 0,4 % de cet objectif. Pour
une dépense de 6 milliards $. En quoi est-ce un bon projet, sur le plan de la
lutte aux changements climatiques ?
R : Le REM permettra une
densification dans la 1ere couronne sur l’ile de Montréal. Il est aussi un
projet qui compétitionne l’automobile. Avec le REM, il y aura plus de
transferts modaux que ce qui est prévu à court terme. Ensuite, les chiffres sur
les GES liés à l’étape de construction sont, à notre avis, surestimés. Si on
s’oppose au REM sur la base d’un argumentaire exclusivement basé sur
ces estimations de GES, il faudrait en toute logique s’opposer aussi au
prolongement des lignes de métro. Tous les grands projets de transport
collectif ont un ratio « émissions de GES pour construction / réduction des GES
une fois mis en service » qui en principe peut paraitre pauvre ; mais il faut
regarder cela sur le long terme. Nous devons commencer à nous donner les moyens
de réduire nos émissions de GES dans les prochains 50 ou 60 ans, et nous devons
commencer à nous donner ces moyes dès aujourd’hui.
Selon plusieurs études,
notamment sur le Skytrain de Vancouver, les émissions de la construction d'un
skytrain surélevé, sont 10 fois plus grandes que celles d'un tramway.
Même dans un scénario "idéal", sans étalement, avec des mesures pour
réduire les émissions de la construction, le REM prendra 15 ans avant de commencer
à réduire les émissions.
Nous sommes d'accord avec vous
que les réductions sont urgentes. C'est pour cela qu'il faut commencer
immédiatement à concevoir des lignes de tramway, qui vont remplacer beaucoup
d'autos, tout en favorisant la densification urbaine. Vous dites
que le REM va densifier la première couronne: nous en doutons, mais peu
importe. Pour réaliser des réductions rapides, il faut densifier le
milieu urbain et non pas la première couronne. Le potentiel de
redéveloppement est énorme en plusieurs endroits: terrains de l'hyppodrome;
Lachine-Est; Pie IX… Tous ces redéveloppements sont possibles avec le tramway,
mais pas avec le REM.
Ajoutons à cela que le REM va
prendre tous les budgets pour au moins 6-7 ans, sans aucune réduction
significative des GES.
Espérant que ces
commentaires sont utiles.
Luc Gagnon, M.Sc., Ph.D.
Représentant de
Trainsparence et de la Coalition climat Montréal
Chargé de cours, École de technologie supérieure
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